Depuis le premier article publié en 1977, des études menées sur les jumeaux ont systématiquement révélé une part plus importante d’autistes chez les jumeaux monozygotes (MZ) que chez les dizygotes (DZ). En se basant sur 13 études menées chez les jumeaux (Tick et al., 2016), une méta-analyse a démontré que la concordance du diagnostic de l’autisme entre jumeaux monozygotes était quasiment parfaite avec 0,98 (intervalle de confiance à 95 %, 0,96 – 0,99). La concordance du diagnostic de l’autisme entre jumeaux dizygotes était de 0,53 (intervalle de confiance à 95 %, 0,44 – 0,60) lorsque le taux de prévalence de l’autisme était établi à 5 % (en ligne avec le phénotype élargi de l’autisme) et est passé à 0,67 (intervalle de confiance à 95 %, 0,61 – 0,72) avec un taux de prévalence de 1 %. Le pourcentage d’héritabilité associé aux facteurs environnementaux était compris entre 64 et 91 % et est devenu plus important car le taux de prévalence est descendu de 5 à 1 % (07 – 35 %).
Les premières études génétiques corrélant variations génétiques et autisme se sont basées sur des études cytogénétiques (Gillberg et Wahlstrom, 1985). De nos jours, de nombreuses études ont révélé que la variabilité du nombre de copies d’un gène (CNV) (gain ou perte d’ADN génomique) est de 4 à 7 % chez les patients atteints d’autisme alors qu’elle est de 1 à 2 % chez le groupe témoin ou chez les frères et sœurs non affectés. Au-delà de l’autisme, les « grands » CNV (> 400 kb) qui affectent les gènes sont présents chez 15 % des patients présentant un retard de développement ou une déficience intellectuelle (Coe et al., 2012)(Moreno-De-Luca et al., 2013). La plupart des CNV sont différents d’un individu à un autre mais certains ont été séquentiellement observés chez plusieurs patients.
La première approche pour associer un gène à l’autisme a été de sélectionner les gènes spécifiques des candidats en se basant sur les données des études génétiques ou fonctionnelles ou la combinaison des deux. Cette approche a réussi à identifier différents gènes se trouvant au niveau des synapses impliquées dans l’autisme tels que NLGN3, NLGN4X et SHANK3 (Durand et al., 2007; Jamain et al., 2003). Aujourd’hui, grâce à cette soi-disant avancée en termes de séquençage de nouvelle génération, nous pouvons objectivement explorer tous les gènes du génome via les techniques de séquençage de l’ensemble des régions codantes/séquençage du génome entier (WES, WGS). Plus de 20 études sur les WES/WGS ont été menées, incluant un total de plus de 5 000 familles. D’après ces études, de 3,6 à 8,8 % des patients atteints d’autisme sont porteurs d’une mutation causale de novo avec une augmentation par deux des mutations pathogènes chez ses patients, comparé aux frères et sœurs non affectés (Lossifov et al., 2014) (Jiang et al., 2013) (C Yuen et al., 2017; Yuen et al., 2015, 2015). Les porteurs de ces mutations de novo étaient plus particulièrement diagnostiqués avec un faible QI non-verbal et étaient plus propices à présenter un retard du développement moteur au cours du développement infantile (et plus tard au moment de marcher) (Bishop et al., 2017). Dans certains cas, les cellules mutées se retrouvent limitées dans une région spécifique du cerveau (Krupp et al., 2017; Lim et al., 2017) mais avec cette approche, des analyses complémentaires sont nécessaires pour cartographier les régions du cerveau impliquées dans l’autisme. Le génome d’un individu est principalement constitué par les soit-disantes variations génétiques communes que plus de 5% de la population partage. Grâce à la génétique quantitative, il a été estimé que ces variations génétiques communes étaient responsables d’une grande partie des cas d’autisme : 40 % chez les familles simplex et 60 % chez les familles multiplex (Gaugler et al., 2014). Cependant, les polymorphismes nucléotidiques responsables restent largement inconnus dans la mesure où ils sont nombreux (> 100 000) et chacun est associé à un faible risque (ratio observé < 2). Aujourd’hui, la plus grande méta-analyse en termes d’études d’association génétique pangénomique conduite sur plus de 16 000 familles avec des antécédents d’autisme a pu détecter seulement une poignée de polymorphismes nucléotidiques significatifs pour le génome (Autism Spectrum Disorders Working Group of The Psychiatric Genomics Consortium, 2017).
Les études moléculaires ont confirmé l’existence de gènes responsables de l’autisme mais la prédisposition génétique à l’autisme pourrait varier d’un individu à un autre. Pour certains individus, une seule mutation de novo serait suffisante pour être à l’origine de l’autisme. Pour d’autres, l’accumulation de plusieurs allèles à risque augmentera la probabilité d’être autiste. Curieusement, les variations communes et rares semblent avoir une action additive pour créer le risque d’autisme (Weiner et al., 2017). L’interaction entre les mutations rares ou de novo et le bagage génétique influence également la diversité phénotypique observée chez les patients porteurs de mutations pathogènes délétères (Bourgeron, 2015). Chez certains individus, un bagage génétique sera capable de protéger ou de compenser l’impact des variations génétiques rares. À l’inverse, chez certains individus, la capacité de protection du bagage génétique ne sera pas suffisante pour compenser l’impact de la mutation pathogène et ils développeront une forme d’autisme. Dans ce modèle, l’autisme peut être considéré comme un ensemble de plusieurs formes génétiques de l’autisme, chacune d’elle ayant une étiologie différente, allant d’un modèle monogénique à un modèle polygénique.
Bien que les gènes responsables de l’autisme soient nombreux, ils semblent interférer dans un nombre limité de mécanismes biologiques, notamment les protéines principalement impliquées dans le remodelage de la chromatine (régulation de l’expression des gènes) et la plasticité synaptique. En parallèle des études génétiques, les données transcriptomiques ont également confirmé que les gènes impliqués dans l’homéostasie synaptique s’expriment probablement de manière différente dans le cerveau des personnes atteintes d’autisme (Ansel et al., 2016) (Krishnan et al., 2016; Parikshak et al., 2013, 2016; Voineagu et al., 2011). Étonnamment, plusieurs études ont démontré qu’un changement d’activité neuronale semble réguler le niveau et le fonctionnement de nombreux gènes responsables de l’autisme. Ces études sont à l’origine de l’hypothèse selon laquelle une plasticité synaptique anormale et une défaillance dans l’homéostasie synaptique pourraient jouer un rôle majeur dans la prédisposition à l’autisme (Mullins et al., 2016; Bourgeron, 2015).
En résumé, les études menées sur les jumeaux et sur les familles ont constamment révélé la forte contribution génétique de l’autisme sur ces 40 dernières années. Des études génétiques moléculaires ont identifié plus de 100 gènes responsables de l’autisme porteurs de mutations pathogènes rares et pénétrantes chez environ 10 à 25 % des patients. De plus, des études génétiques quantitatives ont démontré que les variations génétiques communes pourraient être responsables du caractère héréditaire de l’autisme. L’ensemble génétique de l’autisme est par conséquent basé sur une interaction complexe entre les mutations communes et les mutations rares et est vraisemblablement différent d’un individu à un autre. Jusqu’à présent, les gènes responsables de l’autisme semblent étrangement centralisés sur un nombre limité de mécanismes biologiques (remodelage de la chromatine, traduction des protéines, dynamique de l’actine et transmission synaptique). L’identification des mutations génétiques a mis la lumière sur les causes de l’autisme et constitue de nouvelles opportunités bénéfiques pour les personnes atteintes d’autisme et leurs proches mais elle soulève également des questions éthiques sur la manière de manipuler cette information.
Thomas BOURGERON
Human Genetics and Cognitive Function
Univ. Paris Diderot / CNRS URA 2182
Institute Pasteur
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Article extrait du :
LIVRE BLANC SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL DE L’AUTISME – ENG_FR
REFERENCES :
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