Quantcast
Channel: Think & Do » Non classé
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26

I. Épidémiologie des troubles du spectre autistique

$
0
0

Le trouble du spectre autistique (TSA) est un terme générique désignant des individus socialement déconnectés qui ne comprennent pas les interactions sociales. En termes de diagnostic, les problèmes sociaux et de communication sont associés à des troubles répétitifs et stéréotypés du comportement ainsi qu’à un handicap fonctionnel. Encore à ce jour, la 10e édition de la classification internationale des maladies (ICD-10) de l’OMS regroupe différentes maladies au sein du terme générique de « troubles envahissants du développement » : Autisme infantile (AI), Syndrome d’Asperger (SA) et Autisme atypique (AA) notamment ; tandis que dans la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), elles ont été remplacées par « troubles du spectre autistique » avec différents sous-types (par exemple, le syndrome d’Asperger) et différents degrés de handicap fonctionnel (léger, moyen et grave). La classification ICD-11 a mimé le DSM-5 et ne fait désormais référence qu’aux troubles du spectre autistique en incluant différents sous-groupes dépendant ou non de la présence ou de l’absence de troubles du langage ou d’une déficience intellectuelle.

Le taux de prévalence des TSA varie notablement d’une étude à une autre, d’un pays à un autre et d’une époque à une autre, ce qui soulève de nombreuses questions quant aux facteurs étiologiques des TSA. Ces causes peuvent être dues à notre style de vie moderne, à notre alimentation, à des substances toxiques, etc. Historiquement, la part d’autisme infantile était vraiment très faible lorsque la maladie a été découverte, avec un taux de 2 à 4 % (Wing et al., 1976), tandis que plusieurs études conduites au XXIe siècle ont établi un taux de prévalence de bien plus de 1 % (Kim et al., 2011 ; Baird et al., 2006). Cette croissance fulgurante a été décrite comme « une épidémie ». De nombreux parents s’alarment quant à l’utilisation des vaccins modernes qu’ils pensent être responsables de la prévalence accrue de TSA, conduisant à une diminution nette de l’usage de vaccins pour des maladies graves, bien qu’il n’existe absolument aucune preuve formelle que les vaccins soient à l’origine de cette augmentation (Plotkin et al., 2009 ; DeStefano et al., 2013). D’un autre côté, d’autres facteurs de stress environnementaux sont à associer, par exemple ; un insecticide comme le DTT et d’autres événements prénatal et périnatal) (Hertz-Picciotto et al., 2018; Landrigan et Landrigan 2018) mais aucune cause étiologique définitive n’a été identifiée à ce jour. Ce changement est principalement dû aux critères de conception et de diagnostic. L’autisme infantile décrit par Kanner en 1943 est aussi rare à l’époque que de nos jours (Wing & Potter, 2002). Les études modernes faisant état d’un taux de prévalence supérieur à 1 % incluent les troubles du spectre autistique dans un sens plus large et incluent également les adultes et les enfants présentant des formes plus subtiles de handicap social. Ces individus n’auraient pas été diagnostiqués avec un TSA à cette époque, même s’ils présentaient des difficultés significatives.

L’aptitude sociale est désormais considérée comme une caractéristique continue que les individus possèdent dans une plus ou moins grande mesure (Baron-Cohen et al., 2001). Les adultes et les enfants avec une faible capacité sociale rencontrent généralement des difficultés, mais ne présentent pas nécessairement de troubles envahissants du développement ou de dysfonctionnements. La société catalogue ou non cette grande proportion d’enfants et d’adultes présentant un trouble de la personnalité borderline et leur entourage ainsi que les organisations de santé les voient différemment. Cette divergence de concept est à l’origine des différents taux de prévalence à travers les sociétés et les études cliniques. La tendance dans le monde occidental a été de diagnostiquer un TSA chez les individus présentant un trouble de la personnalité borderline, ce qui a entraîné une forte augmentation du nombre de cas de TSA, à l’origine de cette soi-disant « épidémie ». Nous n’avons pas pu établir s’il existait une hausse réelle du taux de prévalence d’un TSA suite aux changements de pratiques cliniques et de critères de  diagnostique (Elsabbagh et al., 2012). Certaines causes connues de TSA se sont développées dans notre société moderne telles que la part plus importante d’enfants prématurés et de parents plus âgés, tandis que d’autres causes ont reculé ces dernières années comme les infections cérébrales et la malnutrition sévère. Il existe un autre facteur majeur de changement, à savoir que la société moderne demande de plus grandes aptitudes sociales à un être humain pour qu’il soit jugé fonctionnellement apte. Les environnements de travail et scolaire nécessitent de plus grands efforts collectifs, ce qui exclue les individus singuliers incapables de coopération qui auront alors plus besoin d’assistance qu’auparavant. En d’autres termes, les critères de handicap social doivent être pris en considération dans une moindre mesure dans notre société moderne. Cela signifie que même si l’échelle de symptômes autistiques reste la même, le nombre d’individus diagnostiqués avec un TSA augmente dans la mesure où ces individus présentent des troubles dus à leur handicap social. Les tendances temporelles observées dans les études épidémiologiques montrent que c’est effectivement le cas (Arvidsson et al., 2018).

De récentes études menées aux États-Unis, en Europe et en Asie ont révélé que plus de 1 % des enfants dans le monde sont diagnostiqués autistes. Peu d’enquêtes de prévalence ont été conduites chez l’adulte : le DSM-5 estime la proportion d’adultes atteints de TSA à 0,5 % tandis qu’un taux de prévalence de 1 % a été enregistré chez l’adulte (Brugha et al., 2011). Étant donné qu’un TSA est considéré comme un trouble envahissant du développement et que peu d’enquêtes longitudinales sur les TSA ont été réalisées, nous ne pouvons corréler cette différence avec un retard ou avec une diminution significative de TSA chez l’adulte. Il apparaît que 25 % des enfants développent des symptômes autistiques à l’âge adulte mais dans une majorité des cas, les symptômes restent stables (Gillberg et al., 2016). Bien que les symptômes autistiques s’accroissent à l’âge adulte, la prévalence de TSA pourrait être plus importante chez l’adulte que chez l’enfant dans la mesure où le trouble de la personnalité borderline peut être plus handicapant à l’âge adulte que durant l’enfance. Des rapports médicaux rédigés par les services psychiatriques et par les centres de réadaptation révèlent que de nombreux individus sont diagnostiqués pour la première fois à l’âge adulte. Des recherches complémentaires sur les TSA chez l’adulte sont nécessaires puisqu’une majorité d’enfants continuera à faire face à des difficultés à l’âge adulte et aura besoin d’une assistance à vie.

Les hommes sont plus largement touchés par les TSA que les femmes avec un ratio d’environ 1 femme assignée pour 3-4 hommes assignés diagnostiqués. Chez les individus présentant des comorbidités relatives aux TSA associées à une défaillance intellectuelle légère ou modérée, la proportion hommes-femmes est moins importante avec 1 femme assignée pour 2 hommes assignés diagnostiqués (Loomes et al., 2017)

1465725_posserud-largePhoto: University of Bergen

Pr Maj-Britt POSSERUD

MD at the Division of Psychiatry

Haukeland University Hospital,

Bergen, Norway

Article extrait du :

LIVRE BLANC SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL DE L’AUTISME – ENG_FR

REFERENCES :

American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.). Washington, DC: American Psychiatric Association. https://doi.org/10.1108/RR-10-2013-0256

Arvidsson, O., Gillberg, C., Lichtenstein P., & Lundström, S. (2018). Secular changes in the symptom level of clinically diagnosed autism. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 59(7), 744-751. https://doi.org/10.1111/jcpp.12864

Baird, G., Simonoff, E., Pickles, A., Chandler, S., Loucas, T., Meldrum, D., & Charman, T. (2006). Prevalence of disorders of the autism spectrum in a population cohort of children in South Thames: the Special Needs and Autism Project (SNAP). The Lancet, 368 (9531), 210-215. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(06)69041-7

Baron-Cohen, S., Wheelwright, S., Skinner, R., Martin, J., & Clubley, E. (2001). The autism-spectrum quotient (AQ): Evidence from asperger syndrome/high-functioning autism, malesand females, scientists and mathematicians. Journal of Autism and Developmental disorders, 31(1), 5-17. https://doi.org/10.1023/A:1005653411471

DeStefano, F., Price, C. S., & Weintraub, E. S. (2013). Increasing exposure to antibody-stimulating proteins and polysaccharides in vaccines is not associated with risk of autism. The Journal of Pediatrics, 163(2), 561-567. https://doi.org/10.1016/j.jpeds.2013.02.001

Elsabbagh, M., Divan, G., Koh, Y. J., Kim, Y. S., Kauchali, S., Marcín, C., … & Yasamy, M. T. (2012). Global prevalence of autism and other pervasive developmental disorders. Autism Research, 5(3), 160-179. https://doi.org/10.1002/aur.239

Gillberg, I. C., Helles, A., Billstedt, E., & Gillberg, C. (2016). Boys with Asperger syndrome grow up: psychiatric and neurodevelopmental disorders 20 years after initial diagnosis. Journal of Autism and Developmental Disorders, 46(1), 74-82. https://doi.org/10.1007/s10803-015-2544-0

Hertz-Picciotto I., Schmidt RJ., & Krakowiak, P. (2018). Understanding environmental contributions to autism: Causal concepts and the state of science: Environmental contributions to ASD. Autism Research, 11(4), 554-586. https://doi.org/10.1002/aur.1938

Kim, Y. S., Leventhal, B. L., Koh, Y. J., Fombonne, E., Laska, E., Lim, E. C., … & Song, D. H. (2011). Prevalence of autism spectrum disorders in a total population sample. American Journal of Psychiatry, 168(9), 904-912. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2011.10101532

Landrigan, P.J.,  & Landrigan, M.M. (2018). Children and environmental toxins: What everyone needs to know. New York, NY : Oxford University Press.

Loomes, R., Hull, L., & Mandy, W. P. L. (2017). What is the male-to-female ratio in autism spectrum disorder? A systematic review and meta-analysis. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 56(6), 466-474. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2017.03.013

Plotkin, S., Gerber, J. S., & Offit, P. A. (2009). Vaccines and autism: a tale of shifting hypotheses. Clinical Infectious Diseases, 48(4), 456-461. https://doi.org/10.1086/596476

Wing, L., Yeates, S. R., Brierley, L. M., & Gould, J. (1976). The prevalence of early childhood autism: comparison of administrative and epidemiological studies. Psychological Medicine, 6(1), 89-100. https://doi.org/10.1017/S0033291700007522

Wing, L., & Potter, D. (2002). The epidemiology of autistic spectrum disorders: is the prevalence rising?. Mental Retardation and Developmental Disabilities Research Reviews, 8(3), 151-161. https://doi.org/10.1002/mrdd.10029


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26

Trending Articles